Démission du premier ministre !

Après neuf mois au pouvoir, Yukio Hatoyama a démissionné, victime d'une impopularité record.





Le
premier gouvernement d'alternance du Japon aura duré moins de neuf
mois. Mercredi, le premier ministre, Yukio Hatoyama, a annoncé devant
les caméras de l'archipel qu'il démissionnait, précipitant une nouvelle
crise politique à la tête de la deuxième économie du monde. Il est le
quatrième dirigeant depuis 2007 à abandonner sa charge précipitamment. Yukio
Hatoyama était pourtant parti nettement mieux que ses prédécesseurs. En
septembre dernier, lors de son accession au pouvoir, les sondages le
créditaient de 72 % d'opinions favorables. Sa formation, le Parti
démocrate du Japon (PDJ), venait de renverser le Parti libéral
démocrate (PLD), aux affaires depuis 1955. Yukio Hatoyama promettait de
remettre l'économie sur les rails en rétablissant le primat du
politique sur l'administration, et en cassant les intérêts particuliers
qui déchirent le pays pour imposer l'intérêt général. Ces intentions
étaient louables. Mais Yukio Hatoyama fut un chef d'orchestre qui ne
sut jamais diriger la cacophonie de sa majorité, coalition d'individus
qui ne s'entendent sur à peu près rien. Incapable de sortir de formules
vagues pour définir une politique (il se bornait à promettre la
fraternité, et présageait une union asiatique sur le modèle d'une
Europe rêvée), rattrapé par des affaires de financement politique, il
est devenu en quelques mois aux yeux des électeurs un «politicien»
aussi incompétent que les autres. Controverse sur Okinawa

Pourtant,
son gouvernement a adopté quelques mesures spectaculaires, en
particulier la gratuité de l'enseignement secondaire et la mise en
place d'un système d'allocations familiales. Son indécision quasi
permanente a néanmoins précipité sa chute. Les Japonais, en particulier, ne lui ont pas pardonné ses hésitations à propos d'Okinawa :
après avoir promis lors de sa campagne électorale de débarrasser cette
île du sud du pays du contingent américain qui l'occupe, il s'est résigné,
il y a quelques jours, à sa présence. Mercredi, Yukio Hatoyama était
crédité de 21 % d'opinions favorables. Il est pourtant parti sur un
dernier acte politique spectaculaire : il a forcé la démission du
secrétaire général de son parti, le tout-puissant Ichiro Ozawa,
provoquant un réalignement politique prochain au Japon. «C'est une
sorte de coup d'État à l'envers. Normalement, c'est Ichiro Ozawa, grâce
à son flair électoral, qui décidait de qui gouverne », estime le
politologue Takao Toshikawa. Yukio Hatoyama laisse à son
successeur une majorité en charpie. Il devrait être remplacé par
l'actuel ministre des Finances, Naoto Kan. Populaire, compétent, ayant
l'expérience du pouvoir, il est un choix logique. On murmure aussi le
nom de Katsuya Okada, brillant ministre des Affaires étrangères, à
l'honnêteté irréprochable. «Mais quelle que soit la solution choisie,
le successeur de Yukio Hatoyama ne peut plus endiguer le dépit des
électeurs envers le PDJ. Pour eux, PDJ et PLD, c'est blanc bonnet et
bonnet blanc», estime Takao Toshikawa. Il y a neuf mois, les électeurs
japonais, déboussolés par une crise qui dure depuis plus de vingt ans,
pensaient avoir «changé d'avenir» en votant en masse pour l'alternance.
Aujourd'hui, ils se retrouvent encore plus désabusés.